10 mars 2002

Chirac : droit dans le mur !

Il n’y aura donc pas de troisième homme capable de ratisser large à droite. Christian Blanc fait campagne sans être candidat. On se demande bien pourquoi. Sans doute en vue de justifier sa future nomination au poste de Premier Ministre. Son ami Jospin pourrait décider de faire appel à lui, même s’il est probable qu’il voudra confier cette responsabilité à un des ténors du PS. DSK serait un moindre mal. Martine Aubry une catastrophe. Cela dépendra largement du résultat des législatives. En cas de victoire de la droite, une personnalité « apolitique » comme Blanc pourrait lui permettre d’éviter une cohabitation trop partisane.

Je suis de plus en plus convaincu que Jospin va gagner en Mai prochain. Non pas que les Français lui trouvent soudain un charme dont il manque désespérément. Non pas que le bilan de ses 5 années de gouvernement soit de nature à générer l’enthousiasme. Mais parce que Chirac et ses copains font tout pour lui offrir la victoire.

Le Président-candidat ne regrette donc rien : ni la politique menée par Juppé de 1995 à 1997, ni la dissolution ratée, ni les mensonges et les magouilles de l’époque ou il était maire de Paris et président du RPR. Il nous fait le coup de la passion pour justifier sa candidature (« j’aime la France, j’aime les Français »). Il se présente en homme intègre, blessé dans son honneur par des attaques indignes, et en gardien scrupuleux des intérêts de la France, qui s’est opposé farouchement aux décisions (et non-décisions) néfastes du gouvernement sur la sécurité, l’économie, etc. On aurait presque envie de rire... jaune.

Juste un mot sur ses propositions, délivrées au fil de meetings « thématiques ». Bien qu’elles soient en de nombreux points identiques à celles de son principal concurrent, il a réussit à leur donner un air de promesses électorales intenables, et permit ainsi aux socialistes de se positionner en gestionnaires plus sérieux et avisés (cf. leurs critiques, justifiées, du programme de baisse des impôts).

En adoptant des positions similaires à celles de Jospin (notamment sur l’Europe, la sécurité, etc.), Chirac compte visiblement réduire cette élection au choix entre deux personnalités. Grave erreur, à mon sens, de la part de ses conseillers, de miser sur le capital de sympathie de leur poulain en négligeant de prendre en compte son passif. Grave erreur, surtout, de traiter par le mépris les attentes des Français en matière de renouveau politique, économique et moral. « On prend les mêmes et on recommence » et « regardez comme les autres sont nuls » ne font pas un programme pour gagner. La majorité des Français attendent autre chose : un projet de société fondé sur des choix clairs et des valeurs vécues. Quelles valeurs le President-candidat incarne-t-il ? Qui osera croire que Chirac tiendra ses engagements de 2002 ?

Enfin, au lieu de créer les conditions d’un rassemblement (pas évident, mais pas impossible) autour de sa candidature au deuxième tour, Chirac fait jeu d’ignorer qu’il y a un premier tour. Les limiers du RPR inquiètent les candidats de droite qui osent se présenter « contre lui » le 21 Avril, en faisant notamment pression sur les élus susceptibles de les parrainer. En faisant l’impasse sur les erreurs du septennat qui s’achève et en abandonnant la rédaction de son programme aux chantres de la pensée unique qu’il fustigeait il y a encore peu de temps, le candidat probable du deuxième tour les oblige à durcir leurs discours, à mettre en relief ses propres défauts et incohérences. Je vois mal Le Pen, Madelin et Pasqua soutenir activement Chirac après le 21 Avril, au risque de se contredire violemment du jour au lendemain.

Dans la situation actuelle, il y aura donc d’énormes perditions de voix à droite au deuxième tour, si Chirac se retrouve face à Jospin. Au point, a mon avis, de donner la victoire a Jospin malgré son différentiel de sex-appeal. Je suis persuadé que nombre de « souverainistes » de droite qui auront voté Chevènement ou Le Pen au premier tour, s’abstiendront de voter le 5 Mai, ou bien voteront blanc, ce qui revient au même. Certains, assurément, préféreront voter Jospin que redonner un chèque en blanc à Chirac. Bien que je comprenne ses raisons, je regrette que Philippe de Villiers ne se présente pas pour défendre, à droite, l’idée d’une Europe plus démocratique des Etats-Nations, face au projet de construction forcée, et donc vouée à l’échec, d’une nation européenne et d’un super-Etat fédéral, auquel Chirac, Jospin, Madelin et Bayrou sont tous favorables.

Revenons un instant sur le cas Le Pen. On aurait pu penser, à la suite de la rupture FN-MNR, que sa carrière politique était derrière lui. Qui plus est, son discours « sécuritaire » ayant été adopté par la droite comme par la gauche depuis les événements du 11 septembre, on aurait pu croire son fond de commerce dilapidé. Or, les sondages le pressentent comme le quatrième homme de cette élection. De fait, je ne serai pas surpris que Le Pen réitère, voire dépasse, son score de 1995. Pourquoi ? Est-ce parce que 15% ou plus de nos compatriotes sont de fieffés racistes, comme veux nous le faire croire la gauche depuis 20 ans (la gauche qui n’a toujours pas fait « repentance » de son soutien inconditionnel aux régimes totalitaires et génocidaires d’URSS, du Vietnam et d’ailleurs), et comme semble le penser notre Président-candidat ? Bien sur que non ! C’est plus sûrement par rejet d’une droite corrompue par le pouvoir, qui a perdu ses repères et a laissé ses valeurs se diluer dans l’air du temps soixante-huitard.

Quoi qu’il en soit, le spectacle que donnent les deux candidats principaux et leurs troupes à l’occasion de cette campagne présidentielle est bien affligeant. Coups bas, surenchère de propositions démagogiques, petites phrases, il n’y a pas de débat d’idées, pas de discussions autour de projets de société bien définis. En tout cas pas vu d’ici. Pas étonnant que les Français se désintéressent de la campagne. Les seuls candidats en lice qui ont quelque chose à dire, à mon sens, sont Chevènement et Boutin. Et peut être aussi Blanc, bien qu’il ne soit pas vraiment candidat.

Je me méfie des réflexes « étatistes » du Che, mais je salue la pertinence de ses critiques contre Chirac et Jospin et suis d’accord dans les grandes lignes avec son projet européen. A creuser. Quant à Christine Boutin, je lui suis gré de mettre en avant le respect de la personne humaine comme moteur de toute action et décision politique. Voila des choix clairs, voila une démarche libre et courageuse. A creuser aussi. Concernant Blanc, je voudrais vous inviter à signer son « Appel des Français », que je trouve plein de bon sens et utile.

Dans les semaines à venir, je projette de formuler une série de questions clés que j’entends poser à chacun des candidats du deuxième tour (sous forme d’un email ou courrier traditionnel). Si vous souhaitez contribuer à cette démarche, n’hésitez pas à m’envoyer vos idées par email. Je posterai le tout sur ce site bien entendu. D’une manière générale, je serai heureux de lire vos réactions, de savoir comment vous voyez les choses. Alors, n’hésitez pas !

Stéphane

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