3 février 2002

Pourquoi et pour qui voter ?

A l’étranger depuis 3 ans presque jour pour jour, je regarde la France « avec amour et irritation », selon une formule empruntée a Christian Blanc. Je suis frappé chaque été, ou lorsque je parcours l’actualité française sur Internet, de voir à quel point mon pays semble se complaire dans l’immobilisme, alors que les défis s’accumulent et que le monde change a toute vitesse.

La France au début du 21eme siècle

La France est devenu l’archétype du pays socialiste. Deux caractéristiques me sautent aux yeux :

  • 25% de la population active travaille d’une manière ou l’autre pour l’Etat, et la dette publique a atteint des niveaux historiques (lire à ce sujet le livre de Serge Dassault, « Un Projet pour la France ») ;
  • Les Français s’installent dans la dépendance étatique et la revendication corporatiste. Une minorité de syndicalistes « terrorisent » littéralement le pays sans que le pouvoir politique, par complaisance idéologique, calcul électoraliste ou impuissance, ne lève le petit doigt.

Pendant que l’Etat s’occupe de créer des emplois-jeunes, de faire la vie encore plus dure aux entreprises et de réglementer les aspects les plus intimes de la vie des Français, il échoue à préserver les droits fondamentaux des citoyens. Son autorité est bafouée quotidiennement dans les banlieues ainsi qu’en Corse, ou les assassins du Préfet Erignac courent toujours. Lorsque des militaires en sont réduits à manifester dans la rue pour se faire entendre de leur employeur, c’est que l‘Etat est à la masse, que le système n’est pas loin d’imploser.

Pendant que nous nous empêtrons dans nos débats idéologiques dépassés et achevons de ne pas préparer l’avenir, nos voisins continuent à prospérer. Comment s’étonner que les forces vives de la nation, jeunes diplômés et entreprises, cherchent et trouvent à l’étranger un environnement plus favorable ?

Le pire est que nos dirigeants successifs, qu’ils soient de gauche ou de droite, ne semblent pas prendre la mesure de cette spirale du déclin dans lequel ils ont laissé le pays s’enfoncer. Leurs agitations médiatiques ont quelque chose de désuet, de surréaliste. Refusant de voir la réalité en face, nombre d’entre eux évoquent comme s’il s’agissait d’une incantation magique la fameuse « exception française », un terme qui fait bien rire à l’étranger.

Vue d’Amérique, la France n’a jamais été un allié « facile », en particulier du temps du Général de Gaulle. Il est frappant de remarquer à quel point les Américains ne respectent plus et ne comptent plus sur la France, alors que le soutien des autres nations occidentales a revêtu une importance primordiale pour eux depuis le 11 Septembre. Tony Blair a mis a profit les événements récents pour achever d’enraciner l’idée chez les Américains que « l’Europe, c’est l’Angleterre ». La France n’a fait que se ridiculiser ces derniers mois sur la scène internationale. Les efforts de relations publiques de Chirac à New York ont été annihilés peu de temps après par l’épisode des Marsouins en Ouzbékistan. Pour les Etats-Unis, la France n’est pas un partenaire fiable. Ils semblent se demander : combien de temps devrons nous encore composer au Conseil de Sécurité de l’ONU et ailleurs, avec cette ex-puissance coloniale sur le déclin, toujours aussi arrogante malgré son incapacité a régler ses propres problèmes ?

2002, une année décisive

Tout ceci serait bien déprimant, si on s’arrêtait la. Mais la France millénaire a connu des périodes autrement plus noires. Nous avons beaucoup d’atouts, il ne nous manque que la volonté de nous sortir de ce bourbier. Le déclin de notre pays n’est pas inéluctable. Si la plupart de nos hommes politiques semblent avoir démissionnés, ce n’est pas une raison pour que le peuple Français jette l’éponge. Nous n’avons qu’à changer de représentants.

Bien entendu, la plupart vont s’accrocher au pouvoir comme les poux à la barbe d’un taliban au pire moment des bombardements américains sur Kandahar. Mais les élections présidentielles et législatives à venir nous fournissent une belle occasion de reprendre les choses en main. Ne laissons pas la caste des énarques nous confisquer ces élections, seul moment ou ceux qui nous gouvernent sont un tant soit peu a la merci de la volonté du peuple (car le reste du temps, ils font bien ce qu’ils veulent…).

Pour qui voter ?

Les medias nous prédisent, et s’est fort probable, un duel Chirac-Jospin au deuxième tour de la Présidentielle. La tentation est grande pour ceux qui souhaitent encore et toujours la rupture avec le socialisme et s’estiment trahis par Chirac, de se désintéresser purement et simplement de cette élection. Ce serait une grave erreur. Si Chirac est celui qui, a droite, a probablement le plus de chances de franchir le cap du 1er tour, il ne sera pas élu sans donner de sérieuses garanties a la majorité qui l’a élu en 1995, que son quinquennat ne tournera pas au fiasco contre-productif que fut son septennat.

Alors, pour qui voter au premier tour ?

Certainement pas pour les idéologues archi-conservateurs que sont a gauche Jospin, Hue, Laguiller et compagnie. Héritiers plus ou moins officiels du trotskisme et du marxisme-léninisme, ces gens-la refusent obstinément de voir la réalité en face. On dirait qu’ils vivent dans une sorte de quatrième dimension, ou il leur suffit d’affirmer que tout va bien pour que les problèmes (le chômage, l’insécurité, etc.) se résolvent d’eux même. Leur seule ambition pour la France est le fonctionnariat, leur stratégie la redistribution par l’Etat socialiste bienveillant d’une richesse forcement décroissante. Jospin, Aubry, Guigou et leurs copains furent à mon sens les pires de tous les socialistes au pouvoir depuis 1981.

Il y a-t-il du bon dans le reste de la gauche « plurielle » ? Il faut bien reconnaître que DSK et Fabius, convertis aux valeurs du libéralisme économique, ont, d’une certaine manière, limités les dégâts depuis 1997. Mais ces bourgeois de gauche ne sont que des opportunistes. Ils ont été complices de l’entreprise jospinienne et ne méritent pas qu’on leur fasse confiance.

Que penser de Noël Mamère, qui a affirmé la semaine dernière qu’il est "bien entendu" favorable au mariage entre homosexuels et à l'adoption pour les couples homosexuels, si ce n’est que « nous n’avons pas les mêmes valeurs » ?

Parlons un peu de Chevènement. Malgré ses accents gaulliens et le succès de ses débauchages a droite, l’homme reste fondamentalement de gauche. Même si ces critiques contre Jorac-Chispin sont bien senties (et méritées), je ne suis pas convaincu qu’il fera autre chose que de continuer la politique de contrôle étatique que nous subissons sous divers gouvernements depuis 20 ans. Je vous fiche mon billet qu’il appellera à voter Jospin contre Chirac au deuxième tour.

Rien à gauche donc, non pas que cela nous surprenne, mais il fallait bien y jeter un coup d’œil, comme au moment de traverser la route. Voyons voir maintenant ce que nous propose la droite.

A droite, c’est le boxon !

Apres la déroute de 1997, on aurait pu penser que RPR, UDF et autres DL entreprendraient un sérieux effort de réflexion et de refondation, les amenant a rompre franchement avec les égarements idéologiques issus de 68 et a redécouvrir leurs valeurs propres, qui furent a l’origine de leur soutien populaire d’antan. Je n’ai honnêtement pas l’impression que cet effort ait été entrepris et que les grands partis de droite puissent dessiner un projet de société ambitieux capable de plaire à la majorité des Français. Je reviendrai sur la question des valeurs une autre fois.

Apres quelques hésitations, le RPR est rentré dans le rang, ses dirigeants opportunistes sont tous désormais le petit doigt sur la couture du pantalon derrière Chirac. Forts de leurs positions de partis du Président, le RPR et l’Union en Mouvement (en fait une émanation du RPR), ont relégué UDF et DL au rang de secte politique, oblitérant tout débat au sein de l’opposition.

Le résultat ? Une foison de candidatures : Bayrou, Madelin, Pasqua, Maigret, Le Pen, Boutin, de Villiers ou encore Blanc, bien que les deux derniers ne se soient pas officiellement déclarés a ce jour. On ne m’en voudra pas je l’espère de ne pas céder a la mode du politiquement correct en ne listant pas séparément les noms des candidats du FN et du MNR…

Ca en fait du monde. Trop de candidatures jouent en faveur du « candidat souhaitable » Chirac. Aucun de ces candidats ne peut espérer faire un score suffisant au premier tour. A moins de s’entendre, de mettre de cote les ambitions et stratégies personnelles pour présenter des projets crédibles, ce qui ne devrait pas être très difficile. Je vous livrerai quelques unes de mes idées dans ce domaine une prochaine fois.

Stéphane

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