9 juillet 2007

Lettre ouverte à Xavier Darcos (1/3)

Je publie ici la lettre qu'a adressé mon épouse, Laurence, au nouveau Ministre de l'Education Nationale, Xavier Darcos. Celui-ci a poliment accusé réception, l'assurant que son témoignage nourrirait sa réflexion. J'ai fini par convaincre ma moitié que sa contribution, quoi qu'un peu longue, pourrait intéresser un plus grand nombre de nos concitoyens, que la très nécessaire rénovation de l'école française passionne tout autant qu'elle. Voici donc la lettre, en trois parties, une pour chacun des thèmes suivants:
  • Patriotisme, intégration et enthousiasme
  • Pas d’école unique, à chacun son rythme
  • Carte scolaire et autonomie des établissements


1. Patriotisme, intégration et enthousiasme

La Californie est terre d’immigration. Cela se retrouve de façon frappante dans les écoles. Les enfants sont issus de tous les pays du monde, ils sont en général nés de parents ayant immigré et qui ont choisi d’avoir leurs enfants aux Etats-Unis, pour leur faire le cadeau de cette nationalité. Les parents ont souvent un niveau d’anglais approximatif. En France nous vivons parfois difficilement ces différences d’origine. Là-bas elles sont vécues comme des richesses et peut-être pour la raison suivante : les gens qui émigrent et leurs enfants sont fiers d’appartenir à un pays qui leur donne leur chance. Le système scolaire renforce ce sentiment en l’enseignant : tous les matins les enfants rendent allégeance au drapeau américain et à la république sur lequel il flotte. Ce qui peut paraître choquant de prime abord relève d’une grande intuition : on amène des enfants de toutes les couleurs et de cultures d’origine différentes à se référer à un même système de valeurs et à un pays qui les accueille. Le texte parle d’une nation qui se tient sous la protection de Dieu et qui recherche la justice et le pain pour tous.

Nous sommes revenus des Etats-Unis au moment où, en France, flambaient les banlieues. L’émigration en France est beaucoup plus douce qu’aux Etats-Unis, le système social français prend un plus grand soin de ceux qui arrivent, l’école est gratuite pour tous, et pourtant les enfants qui ont étudiés sur ses bancs et qui sont devenus adultes ne se sentent toujours pas partie de notre France et ils n’ont à son égard aucune reconnaissance. D’où vient ce clivage ?

Cela vient probablement du fait que nous-mêmes, français, nous ne sommes pas fiers de notre pays et que nous n’en professons pas le respect. Le sentiment de reconnaissance n’existe pas dans notre pays alors qu’il est si fort au Etats-Unis où pourtant les gens se battent seuls pour leur survie. L’école peut jouer là un rôle déterminant. Réciter la Marseillaise ou un texte qui exprime la reconnaissance de la grandeur de la France et de ses valeurs serait intéressant.

Il y a quelques années, les quartiers à forte dominance latine avaient le droit d’enseigner en espagnol. Une génération plus tard, on s’est rendu compte que les émigrés n’étaient toujours pas intégrés car ils ne parlaient toujours pas anglais, la langue de leur pays d’accueil. Et j’en ai rencontré qui souffraient de ne pouvoir travailler à leur compte faute de pouvoir s’exprimer. Les Etats-Unis ont donc rectifié le tir, l’enseignement est désormais totalement dispensé en anglais quel que soit le quartier.

Des cultures différentes et des religions variées mais des valeurs communes. Les Etats-Unis sont très respectueux de la culture et de la religion de chacun. Chaque fête de chaque religion est célébrée à l’école pendant l’année. Par contre un système de valeurs très clair est proposé aux élèves. Elles sont regroupées sous le titre « The seven pilars of characters ». On y prêche le respect de l’autre : il est interdit de se moquer du nom d’un camarade, de sa couleur et de sa religion bien sûr.

Le résultat se voit en cour de récréation où les élèves sont moins impitoyables entre eux que dans les cours en France.

Le résultat sur le long terme est la production de générations d’enfants qui ont le sens civique et qui partagent les valeurs morales qui font la force des Etats-Unis : chaque personne est un citoyen sur lequel repose le pays. Là-bas on attend pas que les choses changent d’en haut, on les change soi-même. L’américain se sent responsable de son quartier, il crée des associations et il se sent très concerné par leur financement, il est constamment en train de lever des fonds : « raise funds ». Même dans les écoles publiques, les associations de parents d’élèves sont très actives pour lever des fonds. Ces fonds servent ensuite à payer du matériel informatique, des cours de danse ou de dessin, à renouveler les équipements des cours de récréation, etc. Un rapport annuel informe les parents des options retenues.

Enthousiasme enfin. Le pays entier fonctionne sur un mode enthousiaste. C’est ce que semble avoir compris notre nouveau président et nous lui souhaitons de réussir dans cette lourde mission de rendre l’enthousiasme aux Français. Les Américains sont heureux et fiers d’appartenir à un pays dynamique où tout est possible. Peut-être que tout n’y est pas vraiment possible mais c’est un sentiment tellement partagé qu’il démultiplie l’initiative privée.

L’enthousiasme des adultes se répercute dans les écoles. Les enfants sont persuadés qu’une belle vie les attend, dans une société qui leur fera la place dont ils ont besoin. L’école est donc vécue comme le chemin vers l’aventure de la vie adulte. Nous avions la chance de vivre près de Hollywood qui draine tant de gens talentueux. Les parents étaient les bienvenus pour venir témoigner de leur métier. C’est ainsi que mes enfants ont rencontré des musiciens, des dessinateurs de dessins animés, des prestidigitateurs, des coureurs automobiles mais aussi des architectes qui les mettaient en situation de représenter leur espace, des avocats qui leur faisaient jouer des procès entre camarades, des médecins qui les faisaient réfléchir sur les médecines orientales et occidentales, des chercheurs de l’Antarctique qui leur faisaient partager leurs aventures en milieu extrême, etc. Mes enfants sont revenus avec le sentiment que la vie adulte est passionnante et que la vie active est faite de choix multiples. Aux Etats-Unis, on peut rêver n’importe quel métier. On sait aussi qu’on pourra en changer, et radicalement, si on se retrouve dans une impasse. Rien n’est jamais fini.

Cet enthousiasme nourrit une grande confiance en soi. Et celle-ci est renforcée par la valorisation constante des élèves. En France nous avons été élevés avec le sentiment d’être nuls parce que nos enseignants nous faisaient toujours remarquer nos erreurs. Là-bas les professeurs insistent tellement sur leurs qualités que les enfants se sentent forts. Cela ne les rend pas intelligents pour autant me direz-vous, mais cette confiance en soi leur permet d’oser et d’entreprendre, cela augmente leurs chances de réussir.

Au collège, du moins dans celui où nous avions inscrit notre aîné avant de rapatrier la France, les enseignements sont dispensés par de nombreux professionnels. Et les enfants passent des tests sélectifs pour intégrer des sections à enseignement renforcé. Il y a ainsi une section artistique, couvrant la musique, le théâtre et les arts plastiques, une section robotique, une section scientifique et une section classique. Et le cursus « gifted » est toujours en vigueur. Le monde professionnel est très présent dans l’école dès le collège et le professionnalisme aussi, au vu des travaux produits par les élèves. Les élèves, rencontrés lors des inscriptions, disaient tous être maintenus sous une forte pression de travail mais exprimaient aussi leur plaisir d’acquérir tant de connaissances.

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