25 février 2007

Aux résignés du vote "Sarkutile"

Ceci s'adresse à ceux qui envisagent de voter pour Nicolas Sarkozy au premier tour, non pas par conviction, mais par peur que la "droite républicaine" ne soit pas au deuxième. Il y aurait beaucoup à dire sur la dénomination ci-dessus et le scénario en question, mais ce sera pour une autre fois. Je veux d’abord compléter ma critique des réflexes dirigistes et du "girouettisme" idéologique de NS, en donnant je l’espère à réfléchir aux résignés du vote "Sarkutile", raccourci un peu facile pour le "vote Sarko au premier tour pour cause de vote utile à droite". Jetons donc un oeil sur le bilan et certaines propositions du candidat de l'UMP.

Un bilan presque nul
Bien qu'il fut aussi Ministre de l'Economie et des Finances, Ministre d'Etat et numéro 2 de gouvernements successifs qui ont laissé la dette s'envoler, le chômage structurel se maintenir, le pouvoir d'achat dégringoler, et ont fait voter des lois instituant le délit d'opinion, entre autres calamités, je ne parlerais ici que du bilan du Ministre de l'Intérieur. Il faut reconnaître que sa politique de fermeté sur les routes a porté ses fruits : le nombre de morts et de blessés a reculé depuis 2002. Certains lui en veulent sûrement pour les contrôles excessifs, mais peu importe; la contrainte a fonctionné, les Français conduisent plus prudemment, les routes sont globalement plus sûres. La différence fut notable pour moi, à mon retour des US (où la vitesse autorisée est encore plus basse). Sur le reste, par contre, y'a franchement pas de quoi pérorer. Le bilan n'est pas nul, mais presque.

Beaucoup de bruit pour... pas grand chose !
Sur l'immigration d'abord : la fermeté affichée par NS a fait la une des journaux. Cependant, le regroupement familial n'a pas été remis en cause, ni l’aide médicale d’Etat pour les étrangers en situation irrégulière. Résultat : plus de 300 000 étrangers se sont établis en France en 2006, dont quelques 100 000 illégalement. Le cinoche pitoyable de Cachan montre bien que, derrière le discours de fermeté, c'est l'impuissance qui caractérise le bilan de NS sur l'immigration. A moins que le discours ne soit que posture électorale, ce qui n'est pas impossible. En tout état de cause, ceci augure mal de l'avenir si l'immigration "choisie" devient la doctrine officielle de la France.

Sur l'insécurité ensuite, thème majeur de l'élection de 2002 et préoccupation toujours réelle des Français. Si les chiffres officiels de la délinquance ont baissé, le sentiment d'insécurité quant à lui n'a pas diminué. Et pour cause : le nombre d'agressions sur les personnes est en hausse. De qui se moque-t-on ? Dans les banlieues, les voitures continuent à brûler, chaque nuit. Oh certes, il n'y a pas eu mort d'hommes supplémentaires après les deux qui ont déclenchées les émeutes de l'automne 2005. Bravo, formidable ! Mettre cela en avant comme un aspect positif de son action c'est d'abord un aveu de faiblesse face au terrorisme intellectuel pratiqué par la gauche bien-pensante, qui pardonne tout aux casseurs, ces victimes de la société. Mais c'est, surtout, se foutre de la gueule des Français dont les voitures ont brûlé et vont continuer de brûler, victimes immolées sur l'autel de la communication d'Etat, des bandes de voyous qui jouent à l'intifada.

Des propositions problématiques
J'ai déjà mentionné la concession au socialisme que constituent l'institutionnalisation des droits-créances (les "droits à..." qui s'ajoutent aux "droits de"), et la proposition de "pacser" devant le Maire, un pas de plus vers le mariage et l'adoption pour les homos. Voici trois mesures qui me dérangent et inciteront peut être certains lecteurs à revenir sur leur choix résigné :

1. Traité Européen
Sur l'Europe, NS nous promet un nouveau traité, reprenant les grandes lignes du projet constitutionnel qui fut rejeté par 55% des Français il y a moins de deux ans. Pire encore, il parle de le faire ratifier par le Parlement, signifiant ainsi le peu de cas qu'il fait des choix souverains du peuple français ! Même les partisans du "oui" de l'époque devraient s'offusquer d'un tel mépris et d'un tel déni de démocratie. Si le "non" peut être analysé comme l'expression d'opinions contradictoires, cela demeure la volonté du peuple. Point barre. Aux politiques de s'adapter. Que Chirac et Villepin, par surprise ou incompétence, ou les deux, n'aient pas saisi la balle au bon pour reprendre la main sur la scène européenne, soit. Mais se présenter à la législature suprême en faisant comme si de rien n'était, et en cédant aux invectives de la Commission et de la présidence allemande, quel manque de respect, de courage et de leadership !

2. Discrimination positive
NS nous propose la "discrimination positive" pour favoriser l'intégration des Français issus de l'immigration. Cela part d'un bon sentiment, comme d'habitude. Cependant, le bon sens incite à se méfier d'un système qui fait de la couleur de la peau, ou de l'origine ethnique, un critère plus déterminant que d'autres pour juger des mérites ou de la valeur des individus. Ce système porte en lui-même les germes d'une dérive communautariste dangereuse pour la liberté mais aussi pour l'égalité, qu'il entend pourtant promouvoir. Je note qu'aux US, le bilan de l'"affirmative action" est plus que mitigé. Avec le recul des années, nombreux sont ceux qui suggèrent que la discrimination positive n'a pas eu les effets escomptés, voire qu'elle a maintenu les populations noires dans un sentiment de dépendance collective non propice à l'émancipation individuelle, qui reste le moteur principal de la progression sociale.

3. Droit de vote des étrangers
Enfin, NS a dit son intention de permettre aux étrangers de voter aux élections locales. On se demande bien pourquoi... Encore une concession à la pensée unique, une proposition démagogique à destination de l'électorat de gauche ? Ayant moi-même payé des impôts aux US pendant 7 ans, je sais à quel point il peut être frustrant de ne pas pouvoir participer à un moment aussi important de la vie de la cité. Cependant, il existe une solution à cette frustration : demander et faire les efforts nécessaires pour obtenir la nationalité du pays dans lequel l'on réside et souhaite tant voter. C'est un choix important, un choix qui engage. Le droit de vote est un honneur qui doit rester le privilège des citoyens.

Clientélisme
On voit bien, au fil des semaines, que NS essaye de plaire à tout le monde. Un coup à gauche, un coup à droite, sans oublier le centre. Son programme est un grand fourre-tout. En essayant de ratisser large, il court le risque de dire tout et son contraire, en fonction de l'auditoire. Comme Chirac avant lui, il semble très à l'aise dans cette schizophrénie du discours. Bien malin qui peut dire ce qu'il fera une fois élu. Même son slogan de campagne laisse libre cours à toutes les interprétations futures : "ensemble, tout devient possible". Tout... et son contraire !

Votons en toute liberté
Chers résignés du vote Sarkutile, mesurez bien que la seule garantie du vote Sarko au premier tour c'est la déception future ! NS et ses amis n'ont pas fait grand chose depuis 2002, comment croire qu'ils feront ce qui est nécessaire à partir de 2007 ? Au premier tour, je vous en conjure, ne votez pas utile. Ne vous fiez pas aux sondages. Votez pour le candidat qui vous parait avoir les qualités nécessaires. Mon idée c'est qu'il nous faut avant tout un homme (je ne suis pas sexiste mais il n'y a pas de candidate à droite) de conviction, quelqu'un qui aura le courage de prendre des décisions impopulaires, à contre-courant des avantages catégoriels, pour assurer le bien commun des Français et remettre la France sur la voie du succès.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci Stéphane, d'alimenter le débat à un niveau qu'il est difficile de trouver dans les media, tant cette campagne est décevante...

Merci de tes efforts de présentation qui rendent tes arguments plus récents beaucoup plus lisibles que les précédents.

Je n'ai pas trouvé un seul point de désaccord avec tes deux messages dédiés à NS, vote utile ou supporters. Tu sais manier le suspense, et il faudra donc attendre les épisodes suivants pour connaitre ton argumentation sur un vote "vraiment utile" au premier tour, et bien entendu l'heureux élu... si j'ose dire.

Comme toi, mon choix ne sera définitif que lorsque nous connaitrons les candidats que le système contrôlé par les partis en place aura acceptés pour la course. Ce système des 500 signatures, complètement dévoyé depuis sa création, mériterait un développement à lui tout seul.

A bientôt.
Uncle Phil.

Anonyme a dit…

Bravo, Stéphane, de te donner du mal pour contribuer au débat politique de notre pays.

Je conviens parfaitement que Sarkozy soit un candidat aux mille visages, mais la règle du suffrage universel veut qu'il faille plaire à une majorité d'individus dans une population aujourd'hui de 68 millions d'habitants. Donc, on ne peut peut en vouloir à celui qui cherche à toucher individuellement la sensibilité de l'un ou de l'autre, en louvoyant dans un champ varié de tonalités. C'est malheureux, mais c'est le jeu de la politique en France.

Ce qui est important néanmoins, même si nous sommes prisonniers de notre propre système, est d'apprécier la tonalité globale sur laquelle se forme la vision du pays par le candidat. A mon sens, Sarkozy cherche à promouvoir des idées de droite telles la valorisation du travail, la capacité à s'enrichir, la sécurité, le respect des valeurs chrétiennes (C. Boutin est dans son équipe), etc ..., tout en respectant ce qui fait le fondement républicain français, solidarité, laïcité, tolérance, ce qui rend de facto son projet réaliste. De façon plus intéressante, Sarkozy est en train de parvenir à faire de telles idées, parce qu'exprimées différemment, des thèmes de progrès, de rupture, alors que jusqu'à présent de telles idées étaient considérées comme simplement réactionnaires, et donc inacceptables.

La démographie de notre pays ayant changé dans les dernières décennies, je ne suis plus sûr que la France soit restée un pays majoritairement de droite dans le sens qu'on attribuait à ce bord autrefois. Sarkozy a le mérite de proposer une nouvelle dynamique de droite, dans laquelle il essaie de rassembler le plus grand nombre, en abusant, je suis d'accord, parfois un peu trop des nuances. Rien n'empêche celui qui le souhaite de proposer des idées à l'UMP, pour faire avancer la pensée (NDLA, je n'en ai pas pris la carte).

Tu soulèves parfaitement la question du Sark'utile. Si l'on veut pousser les idées de la droite en France, il faut faire gagner la droite aux élections. Faire gagner la droite aux élection, c'est faire gagner Sarkozy au deuxième tour, il n'y a pas d'autre alternative. Si tel est l'objectif recherché, mon sens est qu'il faut pousser Sarkozy et, tout en contribuant au dialogue et au développement des idées, transmettre une telle dynamique autour de nous. Il sera bien temps après de se poser des questions et de faire évoluer la pensée.

J'étais plutôt jusqu'à récemment repoussé par le candidat Sarkozy, principalement du fait de ses méthodes employées pour s'imposer. Sarkozy a le mérite d'avoir su le faire dans le système Chirac, ce qui, s'il dévoue la même énergie au service de notre pays, ne pourra que faire du bien à la France. Mais peut-être suis-je en plein rêve ...

Bien amicalement.

Charles (Bédier)